Il est trop tôt pour parler de l’éclatement d’une «bulle de l’immobilier» en Algérie. Mais un phénomène de mévente des appartements «haut standing» à Alger est un indicateur à prendre en compte.
Il est loin le temps où les gens se bousculaient à acheter «sur plan». Le temps où l’information était «chuchotée» pour vendre des appartements à construire dans deux ou trois années. Les promotions immobilières recourent de plus en plus à la publicité pour commercialiser leurs appartements. Certaines promotions immobilières s’acharnent depuis quelques temps à convaincre les acheteurs par des bonus. Comme c’est le cas d’un groupe libano-arabe pour le développement et l’investissement, allant jusqu’à proposer des ameublements gratuits. «A la demande de notre aimable clientèle, notre société propose la fourniture de l’ameublement (salon, salle à manger, chambre à coucher) de style italien : à titre gracieux pour les nouveaux acquéreurs (validité de l’offre 15 jours) et à prix réduit pour ses anciens clients.», peut-on lire sur l’annonce passée pendant quelque jours dans plusieurs journaux. A la direction commerciale de ladite société immobilière, on donne des détails à l’acheteur potentiel. Au bout du fil, on propose «des appartements de très haut standing situés à Tixeraine sur le territoire de la commune de Draria, derrière le parc zoologique de Ben Aknoun, résidence avec clôture et sécurisée grâce à des caméras de surveillance.».
Le commercial invite aussi à une visite sur le site pour mieux apprécier les appartements. La promotion vend le mètre carré à 250 000 DA. Ce qui donne un appartement de 100 mètres carré 25 millions de DA (275 000 euros environ au cours de la Banque d’Algérie). Il assure que les appartements sont disponibles, du moins pour le moment, et qu’il est possible de financer l’achat par un crédit bancaire. De même qu’il invite à laisser ses coordonnés pour, éventuellement, un rappel si l’acheteur n’est pas prêt pour les trois ou quatre mois à venir. «Nous avons d’autres sites, en tout cas.», a-t-il conclu.
MEVENTE
Une insistance qui n’est pas seulement l’effet d’une routine de vendeur professionnel. Une certaine inquiétude commence en effet à s’installer car ces appartements proposés à prix élevés connaissent une mévente. Or, jusque-là, toutes les offres sur Alger trouvaient aisément preneur. D’où la tentation, sans doute un peu précoce, de parler d’une «bulle» de l’immobilier qui serait sur le point d’éclater pour les appartements dits de haut-standing. A Alger, les prix oscillent entre 100 000 et 400 000 DA le mètre carré. Des prix qui réduisent le cercle des clients potentiels à la catégorie de haut-revenus. Ceux-là même qui ne souffrent pas de la crise du logement ! Les promoteurs immobiliers ne l’avouent qu’à demi-mot. Un tel constat amènerait les acheteurs potentiels à négocier le prix. Et, dire que le marché stagne équivaut à se tirer une balle dans le pied. «Il y a, certes, saturation du marché. Ce n’est pas le grand rush d’il y a quatre ou cinq ans, dans la mesure où ceux qui ont les moyens de payer cash leurs appartements commencent peut-être à diminuer en nombre au fur et à mesure de la mise ne service des différents programmes. Ce sont désormais les retardataires qui ont besoin de contracter des crédits bancaires qui achètent maintenant. Mais, personnellement, en ce qui concerne ma promotion, je me suis pas rendu compte d’un quelconque phénomène de mévente.», a constaté M. M’Hamed Sahraoui, architecte et promoteur immobilier. M. Sahraoui ne confirme pas l’existence d’une tendance à la baisse de la demande sur le logement promotionnel libre : «Les gens ne se bousculent pas pour acheter mais, ils ne fuient pas le marché non plus.».
REDUCTION DU CERCLE DES ACHETEURS
Il commente le recours de certains promoteurs à proposer des bonus en ces termes : «C’est du racolage ! J’ai vu il y a quelques jours une annonce insérée par une promotion immobilière qui offre un ameublement gratuit. Une telle offre peut amener à dire, il est vrai, qu’il y a mévente. Franchement, cela m’a fait rire !». Et d’analyser le fait qu’on n’achète pas chez certains promoteurs : «Il y a une possible diminution des ventes d’appartements qui se trouvent dans des endroits mal desservis.
Parce que tout dépend de l’attractivité du site sur lequel sont construits les logements.». Même s’il admet que la «dé-corrélation» entre revenus des ménages et prix de l’immobilier qui ont explosé ces dernières années, notamment à Alger, la capitale, où la demande sur le logement se fait de plus en plus persistante, soit un élément à prendre en compte pour analyser la situation. «Cela réduit le cercle des acheteurs aux fortunés.», a-t-il indiqué. Et d’évoquer les formules d’aide d’accès à la propriété proposées par l’Etat notamment le LPP qui se trouve être un concurrent direct du promotionnel libre ou privé. Il est sans doute prématuré de parler de «l’éclatement» d’une bulle de l’immobilier. Mais le fait que dans la capitale on enregistre un phénomène de mévente est un signal…
Le Quotidien d’Oran du 04.02.2014