Abdelmadjid Tebboune peut pousser un ouf de soulagement. La forte pression qu’il a exercée pour obtenir de l’argent afin de régler une partie des créances dans le BTP a fini par porter ses fruits.
Le Crédit populaire d’Algérie (CPA) vient de débloquer une première tranche d’un montant de 12 milliards de dinars au profit de la Caisse nationale du logement (CNL).
Cette première tranche, qui représente moins de 10% du montant total des créances impayées dans le BTP, estimées à 130 milliards de dinars, servira à régler quelques factures des entreprises en charge de la réalisation des logements LPP et AADL. D’autres tranches devraient suivre dans les prochains jours.
La banque publique, en charge du financement du LPP notamment, a fini par lâcher du lest, après avoir été directement mise en cause. Mardi, le ministre de l’Habitat l’a accusée de bloquer le financement du logement.
Tebboune s’en est pris aussi publiquement à son collège des Finances Hadji Baba Ammi en lui reprochant son manque de coopération pour résoudre le problème des créances impayées. Du jamais vu ! En désignant à la vindicte populaire une banque publique et un ministère, Tebboune a pris un gros risque politique, en lavant le linge sale du gouvernement en public.
Mais le ministre de l’Habitat joue gros. D’abord sa place au gouvernement. En pleine période de tractations pour la formation du nouvel Exécutif, une crise dans le logement, avec un départ massif des entreprises étrangères, couplé à la colère imprévisible des souscripteurs, peut lui coûter sa place de ministre. En désignant publiquement les coupables, Tebboune cherche d’abord à dégager sa responsabilité.
En s’en prenant à son collègue des finances et au CPA, Tebboune vise en réalité le premier ministre Abdelmalek Sellal. Tout le monde le sait : les deux hommes ne s’entendent pas. Et Tebboune cherche sans doute, à travers tout ce tapage, à montrer au Président que c’est Sellal qui met les bâtons dans les roues de son programme de logements. Au moment où le Président doit désigner un nouveau gouvernement et à deux ans des présidentielles de 2019, toutes les armes sont bonnes dans cette guerre de position.
Tebboune veut aussi gagner la sympathie des demandeurs de logements, à qui il a fait tant de promesses ces dernières années. Des promesses qui tardent à se concrétiser.
À première vue, il donne l’image d’un ministre qui est prêt à tout pour défendre son secteur et les souscripteurs. Mais la défense des intérêts des souscripteurs et du programme de logements du Président n’est certainement pas son unique motivation dans cette affaire qui a pris des allures surprenantes.
Curieusement, deux entreprises étrangères, une chinoise et une autre turque, ont obtenu la majorité des projets de LPP et AADL. Les entreprises algériennes n’ont eu droit qu’à des miettes. Pour des raisons obscures, le ministère de l’Habitat a favorisé les entreprises étrangères dans l’attribution, souvent de gré à gré, des contrats pour la construction des logements LPP et AADL.
Des choix qui alourdissent la facture en devises des importations à un moment où le même ministre, également en charge du Commerce, annonce partout qu’il cherche à réduire la facture des achats à l’étranger.