Alors que le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (PDAU) d’Alger tarde à être approuvé, le gouvernement tente de concilier urbanisation galopante de la capitale, sous la pression de la demande en logements, et préservation de ce qui reste de terres agricoles cultivables dans la zone.

Les statistiques ont souvent admis que 70% des terres agricoles de valeur se trouvent dans le nord du pays. Seulement, dans la bataille habitat-agriculture, cette dernière a rarement gain de cause.
Ainsi, le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme va pouvoir bénéficier, à Alger, de plus de 400 hectares pour ses programmes AADL et ENPI (Entreprise nationale de promotion immobilière). Mais il devra aller chercher du côté des wilayas voisines de la Mitidja (Boumerdès, Tipasa, Blida) pour pouvoir les lancer. Si, pour le département de Tebboune, on ne peut pas arrêter le développement de la ville, pour les spécialistes de l’urbanisme, il y a lieu de «rationaliser la consommation du foncier», dixit Akli Amrouche, architecte urbaniste.

A Ouled Fayet, Baba Hassen, Saoula, Birtouta, Souidania… «l’Etat interdit au citoyen de détourner les terres agricoles de leur vocation mais ne s’en prive pas au nom de l’utilité publique», déplore un architecte. L’annonce du nouveau programme AADL et l’achèvement du programme 2010-2014 accentue la pression sur le ministère de l’Habitat. Le respect de ses échéances dépend cependant de la wilaya d’Alger qui doit mettre des assiettes foncières à sa disposition, et du ministère de l’Agriculture qui doit donner son aval pour la distraction de terres agricoles.

En 2011, le gouvernement avait approuvé le déclassement de 150 hectares de terres agricoles pour la construction de logements à Alger.
Il avait également décidé de consacrer près de 10 000 hectares à travers 22 wilayas à la construction de 550 000 logements publics, dont 612 hectares déclassés à travers neuf communes algéroises (Baraki, les Eucalyptus, El Harrach, Gué de Constantine, Khraïcia, Baba Hassen, Ouled Fayet, Douéra et Souidania). A Ouled Fayet, par exemple, ce sont 250 hectares de terres agricoles qui ont servi au programme AADL. «La majorité sont des terres abandonnées», relativise pourtant le président de l’APC, M. Benyahi. «Les exploitants agricoles ne travaillaient pas vraiment la terre. Ils étaient plus intéressés par les indemnisations.»

Rétrécissement

Presque toute «la ceinture agricole de Birtouta, de Tessala El Merdja de Sidi M´hamed a été sacrifiée» pour des programmes de logements sociaux, déplore Abderrahmane Zidane, expert foncier. Pour «intégrer le restant du programme de logements sociaux (environ 30 000 logements) pour 2014, il y lieu de trouver des assiettes foncières et certainement d´autres terres seront menacées car pour intégrer un tel programme, il faut prévoir une superficie de l´ordre de 2000 hectares».

Se basant sur le modèle de logements réalisés, de type «monotype extensif», Akli Amrouche estime que les besoins en «nouvelles terres à urbaniser» se situeraient  autour de «60 millions de kilomètres carré en considérant une densité moyenne de 100 à 200 logements à l’hectare». «Heureusement que ce ne sont pas que des terres agricoles», dit-il. Pourtant, pour le moment, ce sont les terres agricoles qui subissent le plus les contrecoups de cette urbanisation.

Selon une étude de l’université de Blida sur le développement de la zone périurbaine dans le Grand-Alger, «la wilaya d’Alger a enregistré une diminution de ses superficies agricoles de 5074 ha (15%) en l’espace de 16 ans (entre 1987 et 2003). Soit une moyenne de 317 ha par an». Durant cette période, le territoire urbain a augmenté de 53%, «empiétant sur des terres cultivables».  Depuis l’indépendance, plus de «160 000 hectares ont été détournés de leur vocation et la surface agricole utile par habitant a régressé de 0,8 hectare en 1962 à 0,13 hectare en 2005» (Philippe Haeringer, Villes d’Orient, pulsions refondatrices et réparation, 2010).

Rentabilité

Le ministère de l’Habitat assure que les terres urbanisées sont à faible rendement. Un avis qui n’est pas partagé par les experts du secteur agricole. Slimane Bedrani, dans une interview parue dans El Watan, notait que «les superficies prises sur les terres agricoles sont les meilleures» ; elles sont prisées parce qu’«elles sont profondes et plates et ne demandent pas de frais pour leur nivellement par les promoteurs immobiliers». Elles «produisent des cultures à haute valeur ajoutée qui approvisionnent ces villes en produits frais (principalement maraîchage : salade, poivrons, tomates…)».

Parmi les terres défalquées dans la capitale, «certaines sont à forte potentiel», souligne un responsable au ministère de l’Agriculture. «Quand on arrache des arbres fruitiers dans un verger, ce ne sont pas là des terres agricoles qui sont touchées ?», s’interroge-t-il.
Il reconnaît pourtant que, parfois, «on ne peut pas faire autrement».

Grignoter des terres agricoles pour construire des logements faute d’alternative, Akli Amrouche n’y croit pas. «Le foncier urbanisable peut encore être mobilisé», et ce, dans toutes les grandes villes du pays, y compris à Alger, qui «dispose d’un foncier inexploité conséquent», notamment du côté d’El Hamma. Il y a également possibilité «de créer et de valoriser du nouveau foncier et c’est ce qui est prévu du côté d’El Harrach, Bordj El Kiffan, etc.». Selon lui, dans le moyen et le long termes, «nous pouvons encore mobiliser d’autre ressources foncières dès que les voies de chemin de fer seront délocalisées vers le delta de Kourifa».

En attendant, les ministères de l’Habitat et de l’Agriculture continueront à chercher les compromis pour satisfaire les besoins des uns sans porter atteinte au patrimoine des autres. Selon eux, il n’existe aucun contentieux pendant autour de l’urbanisation du foncier agricole. «Les décisions sont prises en conseil interministériel et font l’objet d’un arbitrage», nous précise-t-on.

Source: El watan

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