Le marché de l’immobilier continue de faire de la résistance. Les transactions immobilières peinent à décoller dans l’ensemble du pays et la stagnation persiste. Une situation inédite due à la cherté des prix induite par le phénomène de « la survente », mais aussi par l’absence d’une réglementation qui régit le secteur, pointe le président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), Abdelhakim Aouidet. « Les prix ne répondent plus à la bourse de la classe moyenne algérienne », constate-t-il.
Une épargne de 75 ans pour pouvoir se payer un appartement
Même si les différents programmes de logement lancés par l’État ont absorbé, dans une certaine mesure, une partie de la demande, cette dernière reste toujours forte. Toutefois, les prix des logements en dehors de ces programmes étatiques, et en dépit d’une légère baisse enregistrée ces derniers temps, restent très élevés par rapport aux revenus moyens des citoyens. « L’offre existe, mais elle ne répond plus à la demande », affirme-t-il.
Selon M. Aouidet, l’une des principales raisons des prix élevés est l’intervention de plusieurs intermédiaires (principalement les courtiers et les spéculateurs) lors des transactions entre particuliers. « Cette “maladie” est causée par les intermédiaires qui interviennent dans les transactions immobilières. Le marché est livré à lui-même et l’État ne veut pas intervenir », déplore le président de la FNAI. Et d’ajouter : « Ce marché n’est ni structuré ni contrôlé. Et tous ces paramètres laissent entendre que cette situation perdurera dans le temps en l’absence d’une volonté politique pour réguler le marché ».
« Un marché livré à lui-même »
Résultat : le citoyen, aux revenus moyens, doit épargner plus de 70 ans pour aspirer à l’achat d’un logement. « Il n’y a que l’État qui vend des appartements à des prix raisonnables. Par contre dans le marché de particulier à particulier, c’est toujours l’anarchie et les prix sont élevés. Normalement, il faut 20 à 25 ans d’épargne pour acheter un logement. Actuellement, il faut 75 ans », remarque-t-il. « C’est un cercle vicieux ! Car même si un citoyen envisage d’aller vers une banque, cette dernière ne pourra lui prêter plus qu’il gagne », se désole-t-il.
Plus grave, cette hausse des prix ne profite pas à l’État. Faute de régulation, le marché de l’immobilier fait face en effet à un autre problème de taille : les sous-déclarations des prix de vente pour payer moins d’impôts. Ces pratiques sont préjudiciables, non seulement pour le Trésor public, mais aussi pour les citoyens désireux de contracter un prêt bancaire pour l’achat d’un logement.
« Il y a un vrai manque à gagner pour le Trésor public (…) Aujourd’hui, nous sommes à 50% de la valeur du parc immobilier à cause des sous-déclarations. En 2015, la base imposable sur les transactions immobilières était de 200 milliards de dinars alors qu’elle ne représentait que 50 à 60% de la valeur réelle des transactions. Le manque à gagner (pour le Trésor public) est énorme », détaille-t-il.
Pointant du doigt « le fossé entre le discours officiel et la réalité du terrain », M. Aouidet préconise d’impliquer davantage les agents immobiliers dans la réalisation des transactions. « L’intervention est très simple. Il y a un corps qui est déjà agréé par l’État, en l’occurrence les agents immobiliers. Ils sont entre 2500 et 3000 sur le territoire national, ce qui représente un arsenal extraordinaire. Que l’État, dans le souci de récupérer de l’argent et de réguler le marché, promulgue une loi qui stipule que toutes les transactions immobilières doivent passer par un agent immobilier agréé », propose-t-il.
Des ventes qui deviennent rares
Ce constat est d’ailleurs partagé par Djamel Rezzoug, agent immobilier à Icosium (agence immobilière située dans le centre-ville d’Alger). « Le marché n’est pas du tout régulé. C’est l’anarchie totale », tonne-t-il.
Pour lui également, le marché connait une stagnation en raison de la cherté des prix de l’immobilier qui dépassent tout entendement. « Les prix restent très chers », soutient-il.
Outre les prix élevés, les spéculations des courtiers pour faire augmenter les prix, couplées à la « gourmandise » affichée par certains propriétaires contribuent, à cette stagnation, d’après lui. « Cette stagnation est causée en grande partie par les intermédiaires illégaux. Ces derniers proposent aux propriétaires de vendre leurs appartements à des prix plus élevés que ceux des agences. Forcément, certains propriétaires tombent dans le panneau », dénonce-t-il. Et de conclure : « La dernière opération d’acquisition d’un logement qu’on a réalisée remonte à 2016. Actuellement, la majorité des agences immobilières vivent grâce aux locations ».
Pendant ce temps, la bulle immobilière continue dans certains endroits…
Pour sa part, Hadj Baghli, architecte et directeur général de Design Futur, un bureau d’études situé à Alger, estime qu’il existe quelques « zones d’exception », notamment dans la capitale à l’instar d’Hydra, où des transactions se réalisent toujours, faisant ainsi augmenter les prix de l’immobilier dans ces zones. « Il existe des exceptions. Certains quartiers sont toujours très demandés pour des raisons sécuritaires et d’exclusivité. C’est pour cela que les prix continuent d’augmenter dans ces zones », analyse-t-il.
Toutefois, d’après lui, si la crise persiste, ces zones d’exclusivité pourraient à leur tour être touchées. « Le foncier stagne et dans d’autres régions, il a amorcé sa chute. Les promoteurs ont des difficultés à vendre (…) Mais, si la crise persiste, les prix baisseront et la bulle disparaîtra », argue-t-il.