11 heures passées. Le soleil est presque au zénith. Au loin, le ronronnement du bus fait s’agiter les mamans sorties accueillir leurs enfants. C’est la délivrance pour les chérubins, qui suffoquaient dans ce bus pour faire un trajet de 30 minutes, durée de la navette entre le centre-ville d’Oueld Fayet et les «nouvelles» cités Aadl. Ils sont près d’une centaine d’écoliers à être entassés comme des sardines. Ils crient leur joie d’arriver enfin chez eux.

Pour les mamans, c’est l’heure de jouer des coudes pour retrouver leurs enfants au milieu de cette marée humaine. Objectif : le sortir «sain et sauf» du bus loué par les parents, à défaut d’un ramassage scolaire, et les conduire à la maison. Sur le chemin du retour, elles doivent éviter d’autres écueils et pas des moindres : les cités environnantes, dont la plupart des habitants sont issus d’anciens bidonvilles. Chaque matin, chaque soir et depuis deux ans, les habitants de ces cités AADL, cités «dortoirs» doivent «payer» le prix cher de leur achat qui remonte à…2001. Reportage à la cité 940 logement de Oueld Fayet.

Commençons d’abord par cette regrettable constatation : Au pays de 1,5 millions de Martyrs, les autorités trouvent encore un plaisir «sadique» à nommer les nouvelles cités avec des chiffres du genre «cités des 940 logements». Nous y sommes, justement, au niveau de cette cité ! «Elle est bien moche comme le reste des quartiers de la capitale», voilà comment décrit, avec une profonde déception, un habitant de cette cité. Difficile d’y croire, lorsqu’on se dit qu’il s’agit d’une agglomération fraîchement construite pour loger des souscripteurs à la formule Aadl de 2001. Pourtant, c’est bien vrai ! Les 940 logements d’Oueld Fayet ne paient pas de mine.
Les immeubles, hétéroclites, de cinq étages sont sans exubérance, loin des tendances du 21e siècle. Sans esthétique architecturale, sans attraits et sans goût. Il est à se demander si le pays est aussi pauvre en termes d’urbanistes. Des bâtiments sans âme et pour compléter le décor, ils sont peints en couleur crevette claire et un blanc qui a fini par virer au beige à force du cumul de poussières émanant des chantiers d’à côté. Aucune résidence n’est bien entretenue, alors que les habitants paient les frais des charges, qui varient entre 1000 et 2000 DA. L’éclairage fonctionne par «humeur», c’est à dire au petit bonheur la chance, pendant que l’état de la chaussée laisse à désirer.

Pas d’école, point de sécurité

«Je m’attendais à du grand luxe, je suis déçu», lance notre premier témoin, sorti de chez lui pour récupérer ses enfants au centre-ville. à quelques kilomètres plus loin. Ici il s’agit de l’autre déception, des bénéficiaires de logements Aadl 2001, qui ont dû verser plus de 200 millions de centimes pour acquérir leurs appartements 15 ans plus tard ! Aucun établissement scolaire, effectivement, n’a été construit dans les parages. «J’ai peut-être plus de chance comparé à mes voisins, qui eux doivent louer des taxis pour chercher leurs enfants», lance Hamid et de poursuivre : «Mais ça reste un sacrifice car je dois quitter mon boulot avant midi pour arriver à temps devant l’école et le soir avant 16h». Un sacrifice et tant d’autres. Notre témoin raconte ses mésaventures de ces 15 dernières années. Depuis le jour où il s’est inscrit à la formule Aadl. «C’était en septembre 2001. Je m’en souviens encore. Je suis parmi les premiers à déposer un dossier pour bénéficier d’un logement», se rappelle-t-il. Un dossier, qui n’a finalement abouti qu’en 2013. L’attente et 15 ans de location ont eu raison de ce père de famille, qui a fini par perdre tout espoir d’ouvrir un jour la porte de son propre appartement. «J’ai passé plus de 15 ans à changer de résidence, chaque deux ou trois ans. Nous étions tels des nomades», dit-il d’un air moqueur. Un supplice, ajoute-t-il, qui a failli prendre fin en 2012. «Cette année-là, la direction de l’AADL nous a contactés pour nous informer que nous étions affectés au site de Mahelma au Sud-Ouest de la capitale». Mais voilà qu’une année tard, ce même service recontacte Hamid pour l’aviser du changement de site d’affectation vers Ouled Fayet. Là encore ! il a fallu attendre la réception des clefs, qui ne se fera finalement que vers la fin de 2014». «Nous étions aux anges!», disait-il. Mais son rêve, à l’instar de celui de ses voisins, tourne vite à la dérision. Avant de terminer son récit, notre témoin s’excuse de devoir nous quitter. Il est 11h30 et ses enfants sont déjà en train de l’attendre, à la sortie de l’école.

Injustice…

Nous continuons notre tournée, entre quelques immeubles mal entretenus. Nous y apercevons même des tags ! Certainement le forfait de quelque gamins du quartier, en mal d’émotions fortes. La cité a tout à fait le même visage en plein mois de septembre que le reste de l’année.
Ni espaces verts, ni jardins pour enfants, ni commerce, ni polyclinique, même la sécurité fait défaut, à en croire les témoignages d’une dame rencontrée, en bas d’un immeuble, dans cette citée des 940 logements. «Lorsque nous nous sommes inscrits sur la liste des bénéficiaires des logements Aadl-2001 plus, ils nous ont bien assuré, que nous allions avoir pour voisins d’autres fonctionnaires comme nous. Des familles respectables et respectueuses. à notre grande stupéfaction, ils font loger devant nous des familles qui viennent de bidonvilles», s’indigne la dame d’un air coléreux. Ces appartements, destinés à la base pour les souscripteurs Aadl, ont finalement été attribués à des demandeurs de logements sociaux. «Il ne se passe pas un jour, sans qu’une bagarre n’éclate en bas des immeubles. Des jeunes se baladent avec des armes blanches et n’hésitent pas à semer la pagaille partout où ils passent. Leurs mères les applaudissent des hauts des fenêtres, comme s’ ils venaient de remporter un trophée», lâche une autre dame qui attends depuis 11h30 l’arrivée du bus, qui transporte les écoliers vers leurs cité. Ce même bus, qui a failli, la veille, être renversé et bien failli se retrouver dans le fossé avec plus de 100 enfants à bord..

Des fils à papa bénéficiaires

Dans la cité des 940 logements, on n’y trouve pas seulement des propriétaires, mais il s’y trouve également des locataires. Des familles, qui sous-louent ces maisons en attendant de recevoir leur clé ailleurs. «Je suis en location depuis 1988, date de mon mariage. Depuis je cumule les locations jusqu’à il y a un an», nous raconte Salima la cinquantaine. Une amie, dit-elle, qui vit chez ses beaux parents, lui a proposé d’habiter cet appartement de ladite cité pour la «dépanner». Salima, qui attend son appartement à Djenan Sfari, n’a cessé de multiplier les courriers au ministre de l’habitat et au directeur général de l’Aadl. En vain.. Elle dit être victime d’une grande escroquerie. «Nous sommes clients chez Aadl, nous avons déboursé 210 millions de centimes pour un F3 d’environ 78 M2. Seulement, nous avons appris, il y a quelques années, que nous allons être logés dans des appartements plus petits, au même prix, et qui au départ étaient destinés aux logements sociaux». Salima pointe son doigt vers un immeuble de cinq étages pour indiquer deux appartements achetés par «un fils d’un haut responsable de l’état» qui lui, confie-t-elle, a pu bénéficier d’un F3 et un F4 situé mitoyens. «Je le vois rarement, bien que je l’ai bien croisé quelques fois», nous dit-elle. «C’est de l’injustice à outrance», dénonce notre interlocutrice. Selon cette dernière, il doit y avoir bien une explication à cet état de fait. Son hypothèse est la suivante : «Les élections c’est pour bientôt. Le social est une carte à jouer. La preuve, ici, même des habitants des bidonvilles ont été logés dans des appartements destinés à la base pour les souscripteurs Aadl».

Le temps le 31-03-2017

Article précédentProgramme AADL1 : Les projets livrés début avril
Article suivantAADL-1 : Distribution dès lundi