Stimulé par l’importance des programmes de logements mis en œuvre dernièrement au profit des classes moyennes, le crédit immobilier hypothécaire octroyé par les banques algériennes continue de croître rapidement. Peut-il se substituer, à l’avenir, au financement budgétaire et marquer la fin de l’époque du “logement gratuit” ?
Après avoir été pendant des lustres les grandes oubliées d’un dispositif fondé sur la “distribution” administrative de l’offre de logements disponible, les classes moyennes nationales semblent aujourd’hui être devenus la cible numéro un des programmes de logements publics, et en tout cas de la communication officielle sur ce sujet ultrasensible. A peine lancée en 2001, la formule AADL, explicitement destinée à “la classe moyenne algérienne”, a provoqué un engouement considérable et enregistré, avant la suspension des inscriptions, plus de 300 000 demandes. Le gouvernement Sellal semble s’être inspiré largement de ce constat à travers la relance d’un programme bloqué et abandonné en 2011 par le gouvernement Ouyahia, puis désormais renforcé, et qui affiche déjà un programme de plusieurs centaines de milliers d’unités. De la pluie de chiffres publiés au cours des derniers mois, on retiendra tout d’abord une réévaluation accélérée du montant de ce programme qui est passé en quelques mois de 70 000 à 150 000, puis aux dernières nouvelles à 230 000 unités. Des objectifs qui apparaissent très ambitieux en comparaison des 55 000 logements de type AADL qui ont été livrés au total depuis le lancement de la formule voici plus de 10 ans. Les délais de livraison de ce programme ont également déjà donné lieu à quelques cafouillages officiels. Finalement, les premières livraisons devraient, si on en croit la plus récente intervention sur ce sujet du ministre de l’Habitat, intervenir début 2016. Ce qui ne veut évidemment pas dire que la totalité du programme annoncé sera réalisé à cette date…
Rassurer d’abord
En dépit de ces information «rassurantes», la comparaison entre le nombre de demandes cumulées des programmes AADL 1 et 2, qui dépasse les 800 000, et le programme annoncé donne une idée de l’importance des attentes des Algériens dans ce domaine. Rassurer c’est d’ailleurs, pour l’heure, ce qui semble être devenu le credo des pouvoirs publics. La quasi-totalité des 700 000 demandes déposées en quelques semaines, fin 2013, ont reçu un «avis favorable», et les candidats concernés ont été invités à constituer leurs dossiers. Les demandeurs du programme AADL1 qui attendent depuis plus de 10 ans ? “On va essayer de les faire passer en priorité”, annonçait, après quelques hésitations, le DG de l’AADL, Lyès Benidir, voici quelques semaines.
Les “classes moyennes supérieures” aussi
Un autre volet de la nouvelle doctrine des autorités algériennes en direction des classes moyennes est plus récent. Il a déjà conduit à la naissance, en juin 2009, de l’ENPI, une structure publique chargée d’absorber les 17 anciens EPLF et de promouvoir le logement de type promotionnel. Une démarche suivie par l’annonce de la création de la nouvelle catégorie des logements promotionnels publics (LPP) dont les bénéficiaires seront les ménages dont le revenu mensuel est compris entre 6 et 12 fois le SMIC. Une clientèle potentielle appartenant à la «classe moyenne supérieure», dont les effectifs se sont renforcés à la faveur des récentes augmentations de salaires de beaucoup de professions (médecins, enseignants du supérieur, cadres de l’administration et des entreprises des secteurs publics et privés). Selon les dernières informations disponibles, la formule LPP, pour laquelle les inscriptions restent ouvertes et sont toujours en cours, a déjà, en dépit de son caractère «élitiste», enregistré plus de 46 000 demandes dont 38 000 ont été acceptées. Le DG de l’ENPI, Amar Guellati, estime “la demande potentielle entre 60 000 et 80 000 logements”.
Avec cette clientèle, réputée aisée aussi, le gouvernement se montre rassurant et conciliant. Le montant de la première tranche du versement exigé vient d’être réduit de moitié.
En réponse à leur association, de création toute récente, et qui réclame “plus de transparence”, on répond que “plus de 16 000 logements sont déjà en chantier et que la grille des critères d’attribution est en cours d’élaboration.”
Financement bancaire contre financement budgétaire
On s’attend au cours des prochaines années à ce que, stimulé par l’importance des programmes de logements mis en œuvre dernièrement au profit des classes moyennes, le crédit hypothécaire continue à croître rapidement au point de se substituer progressivement au financement budgétaire. C’est en tout cas, aujourd’hui, un objectif affiché explicitement par les pouvoirs publics. Et pour cause, le financement du logement en Algérie au cours des dernières années, c’est encore plus de 300 milliards de DA (environ 4 milliards de dollars) de ressources fournies par le Trésor public. Le montant des transferts alloués au secteur de l’habitat par les différentes lois de finance renseigne sur l’ampleur du financement public du logement des Algériens. Les programmes de réalisation de logements sociaux locatifs, entièrement financés par le Trésor public et qui portent, bon an mal an, sur 50 à 60 000 unités, sont dotés de plus de 100 milliards de DA. Le logement public aidé en milieu rural et urbain reçoit, pour sa part, près de 200 milliards de DA.
Montée en puissance du crédit hypothécaire
Le décor du financement du logement est pourtant en train de changer rapidement. La Banque d’Algérie, qui avait déjà signalé une croissance accélérée des crédits immobiliers aux ménages en 2011 (+19%), vient de récidiver au titre, cette fois, de l’année 2013.
Dans sa note de conjoncture publiée en décembre dernier, elle indique que “les crédits aux ménages sont en hausse de 16% dans le cadre de l’inclusion financière, essentiellement au titre des crédits hypothécaires, qui enregistrent une nouvelle hausse de 18,7 % à décembre 2013, tirés par le développement du marché immobilier”. La solution alternative constituée par le crédit immobilier hypothécaire monte donc en puissance rapidement. Après avoir franchi pour la première fois la barre du milliard de dollars en 2012 (80 milliards de DA), les crédits bancaires se sont élevés à plus de 90 milliards de dinars fin 2013.
Il faut dire que depuis quelques années, les pouvoirs publics ont mis le paquet pour parvenir à cet objectif et que le crédit immobilier est devenu un de leurs enfants chéris. La LFC 2009, célèbre pour avoir “inventé” le fameux 51/49, a aussi créé un dispositif de bonification des taux d’intérêt extrêmement avantageux pour les emprunteurs. Ce dispositif, dont sont exclus les seules auto-constructions en milieu urbain et la vente entre particuliers, se traduit dans la plupart des cas par un taux d’intérêt effectif qui ne dépasse pas 1%. Ce qui, en période d’accélération de l’inflation, a constitué une véritable aubaine pour les emprunteurs. Ces derniers ne s’y trompent d’ailleurs pas, et les banques algériennes doivent gérer depuis plus de 3 années maintenant un afflux sans précédent de demandes de crédits.
Source: Liberté