Hasna Hadjilah est architecte et présidente du Syndicat national des architectes agréés en Algérie (SYNAA). Dans cet entretien, elle revient sur les causes à l’origine du renversement, vendredi dernier, d’un immeuble à El Achour sur les hauteurs d’Alger.
Vendredi dernier, un immeuble s’est littéralement renversé à El Achour. Qu’est-ce qui, selon vous, s’est produit ?
D’emblée, juste en regardant les photos, et en tant que technicienne et architecte, je constate que les terrassements sont trop proches du bâtiment. C’est ce qui est à l’origine du renversement de cet immeuble. Des terrassements effectués, sans qu’il y ait un dispositif de protection du bâtiment existant. Forcément, le sol perd en cohésion et il se dérobe. D’ailleurs, la preuve en est, c’est que le bâtiment a basculé. Quand un immeuble bascule comme ça, ce n’est pas forcément dans la construction qu’il y a problème mais dans ce qui le supporte. Cela prouve en tous cas, qu’au niveau de cette promotion immobilière, rien n’est contrôlé.
Qu’est-ce qui n’a pas été respecté par le promoteur ?
On construit à outrance sans prendre en compte tout ce qui est la densité, la qualité de vie humaine, etc. En tant qu’architecte, on parle d’abord de qualité en termes d’espace. C’est-à-dire qu’il y a des distances entre les bâtiments à respecter. Vous n’ouvrez pas votre fenêtre en ayant quelqu’un juste en face de vous. Vous avez droit au soleil. Il faut que le logement soit naturellement assaini et que l’air circule simplement. Ce sont les qualités à rechercher dans l’habitat. En principe, à côté de cela, il y a toutes les qualités techniques de construction. En l’occurrence : l’État ne devrait pas permettre à des promoteurs de construire sans limite de densité, sans limite de vis-à-vis, à terrasser autant à côté d’un bâtiment existant, en plus sans précaution. Mais vous avez vu à combien de mètres ils sont descendus dans les terrassements ! Juste sur les photos, vous pouvez constater qu’ils sont allés trop proche du bâtiment. Nous sommes en dessous du bâtiment d’en face.
En principe, il devrait y avoir des normes ?
Non ! Il y a des études qui sont obligatoires. Il y a des études liées au sol qui vont définir la cohésion du sol. C’est-à-dire un sol rocheux va tenir sans problèmes. Ce n’est pas pour d’autres types de sol. Après, il y a des calculs et des coefficients que je ne peux pas vous donner toute de suite. Par contre, ce qui est alarmant est que maintenant, n’importe qui peut s’improviser promoteur. Ils paient les études à la limite de ce qu’ils sont obligés de faire et le suivi n’est pas toujours garanti. Pourvu qu’ils fassent des logements qu’ils vendent à plus de 250.000 dinars le mètre carré. Après vous ne savez même pas ce qu’il y a dedans. La responsabilité du promoteur est pleinement engagée. Bien sûr, il faudra qu’une enquête détermine la responsabilité des bureaux d’études.
Ce genre de renversement d’immeuble s’est-il déjà produit en Algérie ?
Non, je ne le pense pas. Dans les années 1960, 1970 et 1980, c’est l’État qui construisait en Algérie. Il le faisait selon les normes. Ce sont des étrangers qui intervenaient et la qualité des constructions était bien meilleure. Maintenant, on a des promoteurs, mais les architectes et les ingénieurs ne sont pas vraiment mis en avant. Ils ne sont même pas respectés par l’État. Sur un chantier, qui compte pour l’Etat, c’est l’entreprise de réalisation, mais le seul garant de la qualité de la construction c’est l’architecte et/ou l’ingénieur.
Source: Elmoudjahid le 16-10-2016