Le parcours de combattant des étudiants qui veulent louer un appartement à côté de leur université.
Lorsqu’on part du postulat qu’un étudiant X atteint sa dix-huitième année, détenteur d’un baccalauréat et qui s’apprête à embrasser des études supérieures : parmi les premières démarches jointes à ses dossiers universitaires se trouve la recherche d’un logement. Du moins c’est le cas en occident, qu’il soit étranger ou natif de la ville dans laquelle il entamera son cursus d’étudiant. L’autonomie, l’indépendance et la rupture avec le cocon familial est marquée, ce n’est pas une généralité bien-sur mais une forte majorité, quasi totalitaire.
En Algérie, la crise du logement a toujours été un sujet d’actualité, alimentant les silences audibles du pessimisme ambiant et les frustrations de tous : familles, célibataires et les jeunes qui se sentent lésés face à l’état du secteur immobilier actuel. Jugés à risque par les propriétaires, moins armés pour acheter, les étudiants peinent souvent à trouver un toit.
Les raisons ? Multiples, entre prix gonflés et mœurs sociales et culturelles. En discutant avec les concernés, on réalise que la situation du logement à Alger est le symbole d’une crise sociale plus profonde, résultant notamment d’une transition démographique et de l’évolution des dynamiques familiales. Selon Abdelhakim Aouidat, président de la Fédération algérienne des agences immobilières (FNAIM),Il y aurait 1,2 million de logements inoccupés en Algérie, 500.000 rien qu’au sein de la capitale. Les jeunes n’ont pas les moyens face à la cherté excessive de la location : « bien souvent, louer un petit studio reviendrait à dépenser un salaire mensuel ». C’est devenu un handicap certain pour les algériens, otages d’un système défaillant souffrant d’un manque chronique de mécanisme de contrôles et de recensement ce qui permet à certains d’acquérir des biens de manière tout a fait illégale et de participer à la flambée des prix. En plus d’un souci juridique, certain entre textes de lois et contrats de locations quasi superficielles, mettent ledit locateur dans une constante position de danger et d’expédition à tout moment.
Le second est culturel. Malgré une mutation de la société on ne peut dissocier le caractère conservateur et religieux de l’Algérie, lorsque nous avons interrogés des personnes lambda ils nous ont tous répondus de la même façon : « les propriétaires ne veulent pas prendre de risques, ils préféreront toujours un couple marié, car une fille ou un garçon seul c’est souvent des problèmes». Le témoignage de Rami Zouad étudiant en première année master à l’EHEC ( Ex-INC ) vient étayer le propos : » Je suis originaire de la ville de Skikda, Je loue un appartement dans la ville de Kolea, à proximité du pôle universitaire, les moyens financiers n’ont pas été le principal soucis car j’ai décidé de faire une collocation à 4. On s’est heurtés à un refus net de la part du voisinage et du propriétaire, car pour eux des jeunes c’est égal au tapage, à des soucis (…) sans rentrer dans les détails. On ne doit l’appartement qu’a la tante d’un ami proche qui a joué les intermédiaires. elle s’est portée garante et a longuement négocié. Sans ça impossible de louer. » Dans le collectif imaginaire, l’idée même d’indépendance est souvent associé à une image négative et ce pour les deux sexes et on pointe volontairement du doigt en décrétant qu’il s’agit de personnes à mœurs légères. Certains jeunes locataires se sont vus espionnés de la part de leurs voisins. Une véritable pression, être guetter à chaque entrée ou sortie, épier jusqu’à les conversations, les personnes qu’on invite et appeler à tout va le propriétaire, sans aucune autre forme d’intimité ou de respect de la vie privée. Parfois même les annonces sont spécifiques sur la catégorie visée : pas de célibataires, pas de jeunes si toutefois c’est le cas : non fumeur, pas de sortie nocturnes etc.
Pour conclure, face à des cités universitaires aux conditions de vie précaires souvent la location apparaît comme une solution pour de nombreux étudiants et étudiantes qui pourtant n’ont pas la chance d’y accéder et ce vis-à-vis du plan financier ou social. L’Etat et les particuliers devraient mettre en place des structures pour l’élite de la nation, les piliers de demain. On pense notamment à des sites web et agences de location spécialisés dans l’immobilier estudiantin comme il en existe en Europe, ce qui permettrait une meilleure gestion déjà sur le plan global mais aussi une ouverture progressive des mentalités, une façon de mettre en confiance les plus réticents.
Source:Liberté17-11-2017