Ali Mebtouche, président de la Fondation Casbah, a fait état du recensement de 330 bâtisses menaçant ruine à La Casbah d’Alger, appelant les autorités à agir pour rattraper le retard dans le règlement du dossier.
«La Fondation, qui a recensé 330 bâtisses menaçant ruine, n’a aucune responsabilité dans les effondrements répétés survenus à La Casbah», a-t-il précisé lors d’une conférence de presse animée au siège de la fondation, imputant ces accidents aux «mauvaises politiques appliquées à cette ville antique». Il a exigé dans ce contexte la divulgation des budgets alloués à la restauration de La Casbah depuis 1962.
Concernant l’effondrement, la semaine dernière, d’une bâtisse sise à la rue Bouderias ayant entraîné la destruction de deux immeubles mitoyens, M. Mebtouche a évoqué des raisons «objectives» derrière ces incidents tragiques, en allusion à «des erreurs commises par les occupants eux-mêmes». A ce propos, il a expliqué que les occupants actuels «ont substitué aux matériaux traditionnels, comme la terre et la chaux, des matériaux modernes inadaptés, comme le ciment, tout en opérant des modifications intérieures sans autorisation des autorités concernées».
Il a cité, également, le remplacement du bois des portes et des fenêtres par de l’aluminium ainsi que des surélévations qui fragilisent les fondements des anciennes bâtisses. Pour sa part, Othmane Bouras, membre du bureau de la fondation, a indiqué que «80% des maisonnettes de La Casbah sont des propriétés privées, soit plus de 4000 contre 20% de habous», estimant que «c’est là, une entrave majeure à la gestion de cette ville».
Le président de la fondation est un homme amer et révolté. «Ça fait 40 ans qu’on gratte les murs de Dar es-Soltane et de cette citadelle. Berlin, Varsovie et le Japon n’ont pas été seulement démolis mais carrément rasés de la carte géographique en 1945, aujourd’hui ce sont des puissances mondiales. La Casbah continue à se détériorer. On est pour le recasement des habitants mais pas pour le déracinement.
On a restauré 5 palais pas pour le bénéfice de La Casbah mais pour domicilier une administration. Ils sont devenus des ruines ! La Casbah, ce n’est pas le bâti mais un mode de vie, c’est un monument universel qui appartient à tous les Algériens», confie-t-il. Il avait déjà écrit une contribution il y a une dizaine d’année (25 novembre 2010) sous le titre pathétique «Trop tard, elle vient de mourir…»
La Casbah, c’était 1700 bâtisses, puis 1200, puis 1000, puis 800, puis 500, dont la plupart menacent ruine. La Casbah disparaît lentement. Pourquoi on laisse tomber en ruine une telle œuvre du patrimoine algérien ? La question a son importance. «Tous les problèmes posés par cette Casbah ont trouvé une solution. Vous parlez de propriétaires privés, d’héritiers, etc. Une association a été spécialement créée pour gérer ce problème, une loi a été votée et promulguée pour ce genre d’entraves», a-t-il écrit.
Il cite la loi 98-04 du 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel : «Il ne reste plus qu’à l’appliquer dans tous les cas de figure. Vous parlez des placettes, c’est-à-dire des espaces vides récupérés suite à l’effondrement de certaines maisons. Je ne suis ni architecte, ni ingénieur, ni idéologue, mais la théorie des dominos ne pardonne pas dans ce cas de figure.
Nous n’avons pas le choix, c’est la reconstitution à l’identique dans certains quartiers qu’il faut impérativement retenir comme option.» A ses yeux, il ne faut surtout pas lésiner sur les moyens, car il ne s’agit pas de logements OPGI, sociaux, AADL ou autres, mais de l’histoire de notre pays et d’un patrimoine universel.
Il veut passer un message : la situation catastrophique de La Casbah relève de la responsabilité de l’Etat. La fondation a tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme, mais pour notre interlocuteur, «on n’accorde pas de crédit au mouvement associatif, ni de considération. Ils pensent que nous sommes un groupe de vieux qui n’ont rien à donner».
Créée en 1991 par des volontaires jaloux de la cité qui les a vu naître, la fondation Casbah s’est fixée comme objectif principal, la sauvegarde, la restauration et la protection de la vieille ville. Pour les membres de cette fondation, il faut passer à l’action et savoir pendre les bonnes décisions car il a été constaté un grand écart entre l’intention et l’action, le message politique et l’opérationnel. Rien n’a été fait de concret ou si peu pour sauver ce site qui menace ruine à part des échafaudages.
La Casbah d’Alger, classée patrimoine universel par l’Unesco en 1992 à Santa Fée, aux USA, a été considérée comme une grande victoire pour les défenseurs de ce site dont la valeur historique n’est plus à démontrer, mais hélas, il continue à subir des destructions, du mépris, par les aléas du temps, mais surtout par «la bêtise humaine». Rappelons qu’un plan permanent de sauvegarde de La Casbah d’Alger a été adopté par le gouvernement en 2012.
Source : Elwatan du 21.11.2019