Mais plus grave et plus sournois car plus opaque, c’est le devenir des assiettes de terrain dégagées suite aux relogements des familles et à la démolition des immeubles ainsi évacués.
Saint-Pierre, Miramar, Bel Air (secteur urbain d’El- Amir), St Eugène, Plateau ou encore Si El-Houari et Derb sont autant de quartiers emblématiques d’Oran pour qui connaît cette ville et son histoire. Aujourd’hui plus particulièrement, ces vieux quartiers, depuis des décennies, tombent en ruine, s’effritant au moment où les artères principales du centre-ville sont choyées pour la vitrine locale.
Cette misère urbaine est apparue dans toute sa dimension lors des dernières opérations de relogement dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire. Quelque 400 familles ont été relogées, plutôt éjectées vers d’autres sites à plus de 30 km du centre-ville d’Oran, alors que quelque 1000 autres familles vont à leur tour devoir quitter leurs vieux quartiers.
Ces opérations de relogement interpellent aujourd’hui plus d’un quant aux implications que cela engendre pour ces familles qui sont ainsi complètement déracinées.
Certes, se retrouver dans un logement social financé en grande partie par l’Etat est un acquis, mais pour autant peu de responsables se soucient des effets causés par cette démarche “de sortir d’Oran les populations démunies”, et les replacer à des dizaines de kilomètres de leur vie sociale d’avant et se retrouver dans des cités-dortoirs, sans âme ni cadre de vie. Une forme de déportation urbaine qui a des effets psychologiques certains et que tout sociologue de l’urbanisme d’aujourd’hui pourra expliquer. Mais plus grave et plus sournois car plus opaque, c’est le devenir des assiettes de terrain dégagées suite aux relogements des familles et à la démolition des immeubles ainsi évacués. Et c’est là que prend toute la dimension de l’énoncé des quartiers concernés par ces opérations de relogement et de démolition. Un terrain de quelques centaines de mètres carrés en plein tissu urbain vaut aujourd’hui son pesant d’or, et les promoteurs et affairistes du foncier le savent pertinemment bien. Dès lors, les pouvoirs publics qui ont entamé les démolitions à Derb, Sid El-Houari, St Pierre sont attendus sur la démarche qu’ils vont suivre.
Ces espaces intra-muros dégagés vont-ils être exploités pour revitaliser lesdits quartiers et y projeter des équipements publics socio-éducatifs ou vont-ils être “cédés” à des promoteurs immobiliers bien heureux et autres investisseurs spécialisés dans les superettes et les pizzerias ?
L’évacuation des populations déshéritées doit-elle s’accompagner d’une sourde reconstruction sociale par classes de la ville d’Oran ?
Elle y perdrait ainsi son âme, sa substance, et rien que pour cela c’est la transparence et la concertation qui est attendue des nouvelles projections urbaines d’Oran que préparent les responsables locaux.
Source: Liberté